Elle s’appelait Saamiya Yusuf Omar et portait le dossard 2895 aux JO de Pékin, en 2008. Elle était l’une des deux seules athlètes à représenter son pays, la Somalie et avait même été désignée comme porte-drapeau lors du défilé de la cérémonie d’ouverture. Les spectateurs l’avaient applaudie, émus, dans sa série du 200 mètres, au cours de laquelle elle était arrivée dernière, loin de toutes les autres, dans un temps anecdotique de 32 secondes et 16 centièmes. Ce qui importait, c’était d’où elle venait.
Car pour participer aux Jeux Olympiques, elle avait dû surmonter une montagne d’obstacles. Le pays était dominé par les fondamentalistes islamiques, qui voyaient d’un mauvais œil une femme athlète.
Mais Saamiya avait tenu bon en s’entraînant dur. Elle savait que le sport pouvait l’aider à s’affranchir. Elle venait de Mogadiscio, aînée de six frères et sœurs, son père avait été tué dans la rue.
« C’était une expérience merveilleuse, j’ai porté le drapeau de mon pays, j’ai défilé avec les meilleurs athlètes du monde« , avait-elle répondu aux journalistes qui l’interrogeaient. Cela ressemblait au début d’une histoire de revanche sur la vie. Le sport, quelquefois, le permet.
Malheureusement ce ne sera pas le cas pour Saamiya qui est morte en avril dernier en tentant de rejoindre l’Italie par la Libye à bord d’une « charrette de la mer » qui n’est jamais arrivée. La nouvelle a été révélée par un ancien athlète somalien, Abdi Bile, le seul à avoir remporté une médaille pour son pays, l’or, aux 1 500 mètres des Mondiaux de Rome en 1987. « Savez-vous ce qu’est devenue Saamiya Yusuf Omar ? », s’est-il écrié, la voie rompue par l’émotion, lors d’une rencontre publique avec des membres du comité olympique somalien. Personne n’a su répondre. Abdi a repris : « Elle est morte pour rejoindre l’Occident. Elle était montée à bord d’une « charrette de la mer » qui, de Libye, devait la conduire en Italie. Mais elle n’y est jamais arrivée. »
LE RÊVE D’UNE VIE BRISE
En 2008, les tribunaux islamiques et les miliciens Al-Chebab règnent sur Mogadiscio et voient évidemment d’un très mauvais oeil qu’une jeune femme se lance dans l’aventure olympique. Lorsqu’elle rentre à Mogadiscio, Saamiya Yusuf Omar fait semble-t-il l’objet de pressions. Les miliciens islamistes ont décidément peu apprécié le voyage de la jeune sportive.
En octobre 2010, à 19 ans, elle doit quitter son pays, rejoint l’Ethiopie pour sauver sa peau et chercher un nouvel entraîneur en vue des Jeux de Londres. D’après Al-Jazeera, elle n’aurait peut-être pas obtenu la permission de s’y entraîner, de la part de la Fédration Athlétique d’Ethiopie. Afin de poursuivre le rêve olympique, Saamiya entreprend en avril une traversée clandestine avec d’autres migrants, entre la Libye et l’Italie. Elle espère pouvoir reprendre ses entraînements en Europe. Comme cela arrive trop fréquemment, le bateau coule. La jeune fille se noie et sa mort passe inaperçue.
Que vaut une vie, ici comme ailleurs ?
Saamiya était arrivée jusqu’à Pékin encore adolescente et, à 21 ans, avait peut-être en tête Londres 2012 lorsqu’elle est montée à bord de l’embarcation qui l’a conduite à la mort.
En témoignent les photos parues dans la presse et sur Internet ainsi que les images télévisées où on la voit s’entraîner dans les rues poussiéreuses de Mogadiscio entre un camion de miliciens armés et une horde d’enfants.
Peut-être espérait-elle reprendre son rêve interrompu à son retour de Pékin. Selon ses proches interrogés par la BBC, Saamiya Yusuf Omar aurait entrepris cette expédition avec l’espoir de trouver en Italie un entraîneur pour préparer les Jeux Olympiques de Londres.
Comme tant d’autres, elle avait tenté sa chance en quittant son pays. Selon le blog « Fortress Europe », près de 18 000 personnes seraient mortes comme elle, en Méditerranée, au cours de ces vingt dernières années.
Nous laissons la guerre se faire tout autour de nous, des milliers de vies se perdent dans l’indifférence de notre quotidien déjà difficile. Mais que vaut une vie ici comme ailleurs. En Syrie, Tchad, Mauritanie, Somalie, etc… nous restons observateurs et comptons les morts dans une normalité statistique tant que cela se passe en dehors de nos frontières mais qui sait si un jour la vague ne passera viendra pas frappée à notre porte… et alors ailleurs sera ici… mais il sera trop tard.
Notre société est déjà touchée, il suffit de regarder les informations.