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Petites histoires politiques : rétrospective CHIRAC

Evoqué dans une dizaine d’affaires depuis son mandat de maire de Paris jusqu’à son arrivée à l’Elysée, Jacques Chirac ne peut invoquer raisonnablement des hasards douteux jalonnant son parcours politique, même s’il avait toujours réussi – jusqu’à l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris –  à éviter les tribunaux, en partie grâce à l’immunité présidentielle dont il a bénéficié jusqu’en 2007.

RETROSPECTIVE

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1989 : Les faux électeurs de Paris

Avant les municipales de 1989, le Canard Enchaîné indique que le RPR aurait gonflé le nombre d’inscrits sur les listes électorales dans les IIIe, XIIIe, XIXe et XXe arrondissements de la capitale pour maintenir sa majorité et faire réélire Jacques Chirac. L’affaire des « faux électeurs » de la ville de Paris est suffisamment prise au sérieux par la justice pour qu’une enquête soit ouverte. Mais il faudra près de 20 ans de procédures pour que des accusations soient prononcées. Vingt ans pendant lesquels une autre affaire va défrayer la chronique : celle des faux électeurs du Ve arrondissement, lieu de naissance et d’élection de Jacques Chirac. C’est la socialiste Lyne Cohen-Solal qui dénoncera des centaines d’inscriptions fictives dans cet arrondissement tenu par Jean Tibéri depuis 1983.

En 2006, dix personnes seront reconnues coupables sur une quinzaine de prévenus pour la première affaire. Jean Tibéri a été condamné en 2009, en première instance. Ayant immédiatement fait appel, il n’a toujours pas été jugé en seconde instance et garde à ce jour l’ensemble de ses droits civiques. Jacques Chirac, lui, n’a pas été jugé.

1992 : L’affaire de la SEMPAP

En 1992, un rapport de l’Inspection générale de la mairie de Paris s’inquiète de la santé dela Sempap, la « Société d’économie mixte parisienne de prestation », autrement dit l’imprimeur de la capitale. Pas vraiment tendre avec ses gestionnaires, le rapport ouvre très vite la porte à plusieurs soupçons. Il est rapidement question de favoritisme dans le choix de prestataires pour des marchés publics, de financement indirect du RPR et de prestations « personnelles » offertes au couple Chirac. Plusieurs travaux d’impression auraient notamment été réalisés au bénéfice de Bernadette Chirac. Le total des sommes qui auraient ainsi été détournées à la mairie de Paris est estimé à l’époque à 110 millions de francs, soit plus de 15 millions d’euros. La Sempap été dissoute en 1996.

L’enquête réalisée par le juge d’instruction Jean-Marie d’Huy a été clôturée en avril 2009 et n’a pas encore donné suite. Jacques Chirac a été entendu en 2008 comme simple témoin.

1994 : Les HLM de la ville de Paris

Au début de l’année 1994, une petite affaire de fausses factures se transforme, entre les mains du juge Halphen, en affaire politique. La Société d’Application et de Revêtement (SAR), détenue par Francis Poullain, un proche de Jacques Chirac, aurait versé illégalement des commissions à Jean-Claude Méry, membre clé et trésorier officieux du RPR.

Très vite, un vaste système de financement occulte du parti est mis à jour. Le procédé est un classique : des entreprises de BTP, bénéficiant d’informations confidentielles pour obtenir les marchés de rénovation des HLM de la ville de Paris, surfacturaient leurs prestations aux organismes publics et reversaient la différence à des dirigeants politiques…

Au total, entre 1989 et 1994, plusieurs millions d’euros auraient ainsi été détournés grâce à une vingtaine d’entreprises.

Plus d’une trentaine de dirigeants d’entreprises et de l’OPAC ont été condamnés dans cette affaire aux multiples tiroirs. Si nombre de politiques ont été mentionnés (Méry, Tibéri, Roussin, Schuller, Balkany, Pasqua et Chirac), très peu seront finalement inquiétés.

1995 : Les marchés publics d’Ile-de-France

En 1995, la justice se penche sur une série de contrats signés depuis 1988 par les pouvoirs publics avec des entreprises du bâtiment pour la rénovation des lycées d’Ile-de-France. Avec un large système de fausses factures, elle met progressivement en lumière un circuit proche des malversations entourant la rénovation des HLM de la ville de Paris. Mais cette fois, des membres du RPR comme du PS sont visés. Parmi eux, Michel Roussin, directeur de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris, Louise-Yvonne Casetta considérée depuis comme une « trésorière occulte du RPR », mais aussi Jean-Claude Méry, membre clé du RPR, déjà au centre de l’affaire des HLM.

Sur une cassette diffusée en 2000 après sa mort (la fameuse « cassette Méry »), ce dernier confessera avoir remis 5 millions de francs en liquide à Jacques Chirac en 1986.

Louise-Yvonne Casetta et Michel Roussin seront condamnés en 2005 et 2006 (en dernière instance). Jacques Chirac, protégé par son immunité de président de la République pendant toute la procédure, sera maintes fois cité, mais jamais inquiété.

1998 : Les emplois fictifs

« Emplois fictifs de la mairie de Paris », « emplois fictifs du RPR », « faux chargés de mission »… Depuis la fin des années 1990, et notamment la plainte d’un contribuable en 1998, une série de procédures sous différentes dénominations est lancée pour un seul et même soupçon : l’emploi par la ville de Paris, entre 1977 et 1995, de plusieurs dizaines de personnes travaillant en réalité pour le RPR, pour Jacques Chirac lui-même ou pour des proches. Payés par la municipalité, ces « salariés » n’auraient en tout cas jamais effectué de mission pour la ville. Au fil des décisions de justice, des recours et des condamnations (cf. ci-dessous), il n’est resté finalement que 21 emplois contestés. Après que Chirac et l’UMP se soient engagés à « rembourser » 2,2 millions d’euros à la ville, la mairie de Paris s’est retirée des parties civiles.

En 2004, Alain Juppé, premier adjoint de Paris à l’époque des faits, a été condamné par la justice dans l’affaire dite « des emplois fictifs du RPR ». Après une année d’exil au Canada, Alain Juppé a progressivement repris ses fonctions de maire à la ville de Bordeaux et depuis plus d’un an, se retrouve au gouvernement de Nicolas Sarkozy comme Ministre des Affaires Etrangères ; on ne change pas les équipes qui gagnent…

2000 : Les voyages en avion

En 2000, la justice se penche sur une somme de 2,4 millions de francs que Jacques Chirac aurait versé, en liquide, à l’agence de voyage Gondard. Le tout pour une vingtaine de déplacements privés des Chirac et de proches, entre 1992 et 1995. D’où vient cette somme ? Un rapprochement avec les commissions occultes des marchés publics d’Ile-de-France est opéré. L’Elysée évoque « des primes perçues par Jacques Chirac en sa qualité de ministre et de Premier ministre, et d’argent personnel ou familial ». Dans la même période, des voyages effectués via la compagnie Euralair sont aussi dans le collimateur des juges. Certains auraient été offerts par l’opérateur, pourtant en difficulté, d’autres payés discrètement par des tiers plutôt intéressés. En 2004, un certain nombre de voyages de Bernadette Chirac en Corrèze seront ainsi pointés du doigt.

La provenance de l’argent versé à l’agence Gondard reste inconnue. Confrontés à l’immunité de Jacques Chirac, les juges se sont déclarés incompétents en 2001. Dans la seconde affaire (Euralair), l’instruction s’est achevée en 2009.

2001 : Le château de Bity

En 2001, le Canard Enchaîné dévoile une affaire datant de 1977. A l’époque, Jacques Chirac vient à peine d’être élu maire de Paris. Mais il est déjà trésorier de la Fondation Pompidou, consacrée aux personnes âgées. Passés quelques mois, celle-ci reçoit des dons anonymes en liquide, avoisinant au total près de 500 000 francs de l’époque. Puis elle achète, en partie grâce à ces fonds, un terrain de 5 hectares en Corrèze pour y construire « un centre de vacances pour personnes âgées ». Or le terrain jouxte le château de Bity, qui appartient… au couple Chirac ! La maison de retraite n’ayant jamais vu le jour, on soupçonne alors Jacques Chirac d’avoir voulu utiliser cet écran de fumée pour assurer sa tranquillité en évitant toute implantation dans le voisinage.

Il n’a jamais été prouvé que les dons à la Fondation Pompidou venaient de la mairie de Paris. Mais Jacques Chirac aurait en revanche bien fait pression pour l’achat du terrain par la Fondation. En 2001, la justice estimera finalement qu’il y avait prescription.

2001 : Le compte japonais

En 2001, Nicolas Beau, journaliste au Canard enchaîné, apprend quela DGSE s’intéresse de près à un compte ouvert depuis 1992 au Japon, à la Tokyo SowaBank. Ce compte, doté de 300 millions de francs, serait tout simplement celui de Jacques Chirac et regrouperait « le butin » de plusieurs affaires. Disposant de peu de documents et de timides témoins (dont le général Rondot), les journalistes qui enquêteront sur le sujet seront toujours pris pour des illuminés par une partie des médias et de la justice. L’un d’eux, Jean-Pascal Couraud, a mystérieusement disparu à Tahiti, en 1997, alors qu’il était sur une piste. Aujourd’hui encore, l’existence du compte reste à prouver. Seuls faits incontestables : Jacques Chirac a promu Shoichi Osada, le directeur de la Tokyo SowaBank, chevalier de la Légion d’honneur en 1994, puis officier en 1997, avant sa faillite en 1999.

Aucune procédure judiciaire n’a été menée directement au sujet de l’hypothétique compte. L’enquête sur la disparition de Jean-Pascal Couraud a permis la déclassification de documents secret défense en 2008, sans montrer de lien entre les deux affaires.

2002 : Les frais de bouche

En 2002, Jacques Chirac est en marche vers l’Elysée quand l’affaire dite « des frais de bouche » vient perturber sa campagne. Selon un rapport officiel de l’Inspection générale de la ville de Paris, 2,1 millions d’euros auraient été dépensés par le couple Chirac pour des frais alimentaires et de réception quand Jacques Chirac était maire de Paris, entre 1987 et 1995. Soit 4000 euros par jour en moyenne. Le tout supporté bien évidemment par les finances de la capitale. Bertrand Delanoë porte plainte et le dossier menace immédiatement de bouleverser l’élection présidentielle qui s’annonce déjà difficile pour le président sortant. Ce dernier sera finalement réélu dans les conditions qu’on connait, face à Jean-Marie Le Pen au second tour.

Il a été entendu comme « témoin assisté » en 2007 dans cette affaire.

Un non-lieu, prononcé en novembre 2003, a depuis été confirmé par la cour d’appel de Paris. Le juge Courroye, auteur du premier verdict, avait estimé que les faits éventuels étaient prescrits au moment de la plainte de la ville de Paris.

 

Jacques Chirac aura été mentionné, à tort ou à raison, au total dans une dizaine d’affaires pendant sa longue carrière. Bien des ramifications des unes et des autres ne figurent d’ailleurs pas cette rétrospective : l’achat, par une filiale des HLM de Paris, d’un logement avec jardin privatif dont aurait jouit le couple Chirac, une énième affaire de fausses factures, entourant la direction de l’architecture de la mairie de Paris dans les années 1990…

L’ancien chef de l’Etat a aussi été cité plus ou moins explicitement dans plusieurs grands dossiers très politiques ces dernières années : l’Angolagate, lié à la vente d’armes parla Franceà l’Angola, l’affaire Karachi, ou encore la manipulation que constitue l’affaire Clearstream et pour laquelle son ancien directeur de cabinet Dominique de Villepin sera poursuivi en appel en mai 2011 puis relaxé en Septembre.

Ces affaires, qui ont été portées à notre connaissance, sont peut-être le fruit d’une stratégie calomnieuse de la machine politicienne bien huilée en la matière mais comme dirait le vieil adage : il n’y a pas de fumée sans feu.

Comment – dans ces conditions – pouvons-nous prôner auprès de nos enfants les valeurs sur lesquelles repose notre République et qui sont les nôtres dans notre éducation : probité, honnêteté, transparence, etc… ?

Comment pouvons-nous être crédibles – en tant que français vis à vis de l’extérieur et en tant que parent vis à vis de nos enfants – si nos propres représentants, à la tête de l’Etat ne montrent pas l’exemple ?